Vendredi 28 novembre 2003
Cela fait belle lurette que les années folles du web sont passées, cette belle époque où il suffisait de prononcer le mot magique « internet » pour que les investisseurs sortent les liasses de billets. Aujourd’hui, comme dans n’importe quel autre secteur, il faut une base solide pour justifier de grosses dépenses, en communication par exemple.
On avait vu Meetic montrer des signes extérieurs de richesse en se permettant d’acheter de coûteux espaces pub sur TF1, c’est maintenant au tour de Yahoo! rencontres de faire sa pub hors du web en démarrant une campagne d’affichage à Paris (et certainement aussi dans les autres villes de France).
Il existe 2 affiches différentes : une rose et une violette. Dans les 2 cas, le principe est identique : un texte simple sur fond de couleur unie qui va droit au but. Voici l’affiche rose photographiée hier dans la gare RER Bibliothèque François Mitterrand :

Même principe sur Yahoo! rencontres que sur Meetic, à savoir que c’est gratuit pour les filles et payant pour les garçons (23 € par mois) : les garçons peuvent consulter autant de fiches qu’ils veulent mais doivent sortir le porte-monnaie pour écrire aux demoiselles. Il y a fort à parier que des hommes sont abonnés à tous les gros sites du moment pour multiplier leurs chances. A ce rythme là, le budget mensuel alloué à la quête amoureuse doit vite atteindre des sommes faramineuses !
Je me souviens, il y a 4 ans, d’amis qui ricanaient à propos d’un garçon qui avait « rencontré sur internet » un autre garçon. Ca avait un coté cyber-grotesque à l’époque. Il me semble que les sites de rencontres commencent aujourd’hui à rentrer dans les moeurs et il y a fort à parier que, d’ici 5 ans, rechercher son partenaire sur un site web sera une pratique courante et conventionnelle. C’est un phénomène de société, une réponse à un problème avec les outils d’une époque.
Dimanche 23 novembre 2003
Elodie a 23 ans, voici l’histoire de sa rencontre avec un garçon de 26 ans :
« J’étais revenue sur Meetic pour voir s’il y avait des gens plus interessants qu’ici ou là (à savoir Lycos ou Amoureux.com). Là, je lis la fiche d’Untel : il a l’air très simple, sympa, prônant le fait que l’imperfection d’une femme en fait son charme (wouh c’est drôlement attirant ça, enfin moi ça me plaît !!) et donc, en plus de ça, sa photo me laisse voir qu’il est très très attirant.
Je lui écris donc pour lui dire que j’adore son annonce et lui proposer mon e-mail pour m’écrire afin qu’il n’ait pas à payer à chaque fois.
Je reçois un mail de sa part et nous commençons à discuter de tout et de rien, à nous envoyer des messages en en disant de plus en plus sur nous. Là, nous nous rendons compte que nous avons des tas de points communs : les goûts musicaux, la gastronomie, ce que l’on attend de « l’autre » et même une passion incontrôlable pour les mêmes séries télévisées. Je lui ai envoyé moi aussi des photos de moi, que des portraits (je ne suis pas si vilaine mais ronde, enfin, ce qu’on appelle ronde dans notre société quand on ne pèse pas 60 kilos pour 1m80…) et j’attends.
Il me répond toujours avec le même enthousiasme que j’ai vraiment l’air charmante. Bref, un enchantement. On s’écrit 1 à 2 mails par jour toujours très longs et plein d’humour. Je lui donne mon téléphone. Et il m’envoie un sms un samedi soir pour m’inviter au ciné un dimanche après-midi. J’accepte et le dimanche il m’appelle. Il a l’air charmant, on se donne rendez-vous et il finit par « bisous ». Je suis super contente de le rencontrer.
Il arrive, je suis en avance bien entendu. Il est 10 fois plus charmant qu’en photo, c’est hallucinant. Presque trop beau je dirais. On va au ciné, tout se passe bien. Il est chou, moi je suis rouge, bref, c’est sympa.
Après, il m’invite à boire un verre en ville. Tout se passe bien, on discute et plaisante tout aussi bien que dans nos mails… Bon signe en principe… A la fin de la soirée, vers 21 heures, il me raccompagne à ma voiture et on se dit à bientôt.
Depuis (fin septembre), j’ai dû avoir 5 mails de 10 lignes en tout et pour tout… J’ai essayé plusieurs fois de relancer les discussions, de parler de plein de trucs mais il est très distant. Il ne parle pas de notre rencontre. J’ai laissé passer 2 semaines sans mails, pas de tentative de sa part… J’ai décidé d’arrêter d’écrire car je ne veux pas le « harceler » mais il aurait pu être honnête et dire qu’il n’avait pas apprécié la soirée, ou pas accroché avec moi… Je n’attendais pas qu’il veuille de moi, j’attendais juste quelqu’un de bien, un ami ou un copain…
Bref, je me suis retrouvée bien humiliée, surtout parce que ce gentil garçon avait vu mes photos bien avant de me rencontrer et que si ça n’avait pas collé physiquement, il n’aurait jamais eu besoin de me rencontrer…
Je reste sans comprendre encore aujourd’hui mais bon, ainsi va la vie…. »
Mercredi 19 novembre 2003
J’ai parfois (pour ne pas dire souvent) l’impression très nette d’être un extraterrestre :
– J’ai généralement une forte répulsion pour tout ce qui ressemble à une discothèque – lieu de rencontres amoureuses par excellence – mais qui est pour moi le haut lieu du paraître, de l’hypocrisie et du dédain. Alors quand j’y vois les gens tout sourires, je me dis que je dois être martien.
– J’ai toujours du mal à comprendre pourquoi les garçons les plus frimeurs, les plus je-me-la-raconte sont toujours accompagnés… Je me dis pour me consoler que ces filles doivent être superficielles mais j’ai tout de même l’impression d’être jupitérien.
– J’ai tendance à admirer ceux et celles qui sont capables d’engager la conversation de façon courtoise avec un(e) inconnu(e) dans un café. Moi, je ne sais pas faire ça : Je n’ai pas envie d’ennuyer des inconnues avec les fariboles que je leur proférerais parce que je ne les connais justement pas ! Pour ça, je dois sûrement être saturnien.
– J’ai des amis qui ne restent jamais célibataires plus de trois semaines. Ils me disent que c’est parce qu’ils ne supportent pas de rester seuls plus longtemps, précision qui a le don particulier de m’énerver. Heureusement, j’ai d’autres amis qui ne trouvent pas plus facilement que moi mais ça ne suffit pas à ne pas me faire me sentir uranien.
– Quand je ne cherchais pas la fille formidable, je ne la trouvais pas et on me suggérait de me bouger pour provoquer les choses. Maintenant que je la cherche de façon plus active, je ne la trouve pas plus… par contre on me conseille de ne pas chercher et de laisser faire le hasard. J’ai dû louper un épisode, à moins que ça ne soit parce que je suis neptunien.
– La plupart des personnes n’ont pas de mal particulier pour trouver leur amour. Il semble que je sois un des seuls à percevoir cette quête comme un sport extrême où seuls les dopés arrivent à accomplir des performances. Alors soit je ne suis pas sportif soit je suis plutonien.
…
Je remarque en tout cas que plus ça va, plus je m’éloigne de cette bonne vieille Terre…

Mercredi 05 novembre 2003
Oublier légèrement les sites de rencontres quand on les a fréquenté un peu trop assidûment, ça ressource vite et ça permet surtout de prendre un peu de recul. Ah là là… C’est qu’on se fait vite attraper au jeu du « je communique à tout prix », à passer des heures à dialoguer via un ordinateur qui ne devait être là que pour pallier très temporairement à l’éloignement physique. Alors on s’excite sur son clavier dans tous les sens du terme jusqu’à en oublier l’essentiel qui n’est pas pour moi de « passer le temps » mais de trouver peut-être la fille formidable qui me trouvera elle-même formidable…
J’aime comparer Meetic à un petit café où j’aimerais de temps en temps aller me perdre pour y faire des rencontres hasardeuses. Ca me fait aussi regretter que l’ « abordage » ne soit pas aussi simple dans la réalité (en tout cas pour moi). On peut passer une soirée sur Meetic et avoir une discussion personnelle avec une vingtaine de personnes. Je ne connais pas de lieux publiques où ça puisse se passer d’une façon aussi faussement « naturelle »…
