Lumière de joie
Il est un peu moins de 16h00 lorsque je découvre deux plaisantes notifications sur mon smartphone : un nouveau match Tinder avec une fille et un premier message de sa part !
Un nouveau match qui arrive tout seul après avoir liké des profils, c’est un plaisir de fin gourmet pour l’utilisateur de Tinder. Plaisir d’homme, faut-il préciser, parce que pour les femmes, les matchs tombent à gogo. M’enfin, dans un second temps, on se demande aussi sur qui on a bien pu tomber et si on n’aurait pas eu le doigt un peu léger au moment de nos dernières frénésies de likes. Que celui qui ne s’est jamais dit « bon, je like quand même mais j’espère que ça ne va pas matcher » me jette la première pierre. Sans doute une histoire de conflit inconscient entre le cerveau reptilien et la raison.
Pas de mauvaise surprise ce jour-là : lorsque j’ouvre le profil de mon nouveau match, c’est pour découvrir Joylight, une jolie femme de 37 ans avec un sourire ravissant. Une brune séduisante avec de longs cheveux qui a pris la peine d’écrire une assez longue annonce dans un ton à l’humour très personnel, un second degré plein de sens. Tout cela m’inspire une femme agréable à vivre et fine d’esprit.
C’est elle qui a fait le premier pas en m’envoyant un message, je pars le consulter et réfléchis à ce que je vais lui répondre. Comme je l’ai déjà dit, contrairement à ce que j’entends parfois au sujet de Tinder, il n’est pas rare que les femmes y fassent le premier pas même si ça n’est pas la majeure partie du temps.
Joylight m’a envoyé un message à 15h35, j’ai bien vu la notification 8 minutes plus tard, mes captures d’écran d’époque (nous sommes en octobre 2020) l’attestent, mais je n’ai consulté son message et ne lui ai répondu que vers 21h00. Pourquoi diable a-t-il fallu que j’attende tant de temps avant de prendre la peine de lui répondre ? Étais-je occupé à autre chose ? N’avais-je pas la tête à ça ? Aurais-je voulu la faire attendre ? Je ne m’en souviens pas mais il est vrai que Tinder s’apparentant souvent à une suite d’impasses, je ne suis pas toujours plus motivé que ça. Et avec le temps, on finit par ne plus être loin, dans sa démarche, du pêcheur surtout content que son hameçon morde mais qui remet aussitôt les poissons à l’eau.
Mais pour l’heure, c’est un très gentil message que m’a envoyé Joylight, et je parcours son profil à la recherche d’inspiration pour essayer de lui faire une réponse amusante et personnalisée.
Mais alors, qu’est-ce que c’est que ce truc, le « féminin sacré » ? Comme je pouvais le pressentir, voilà encore un truc néo-hippie, avec des concepts abscons. Selon la définition complaisante qu’en fait AuFéminin dans cet article de 2020, le féminin sacré est « une ressource que nous avons en nous, et qui nous propose de nous connecter à notre essence féminine », « un mode de vie spirituel, un chemin initiatique qui flirte avec une dimension divine et encourage à devenir soi-même ». Sans surprise, tous les mots clés qui caractérisent les croyances new age sont là : on parle d’ « entrer en résonnance avec [ses] énergies », de « communier avec la nature, la terre, les arbres », on invite les femmes à se « connecter » à la lune, et d’y caler leur cycle menstruel en dormant à la belle étoile. Attention aux moustiques ! On parle de « rituels sacrés », de « sorcellerie », on conseille bien sûr les femmes de privilégier leur intuition et de ne pas trop écouter la raison qui – je cite – « vient toujours perturber nos sensations corporelles les plus brutes, sauvages, spontanées ». Bref, encore un de ces délires mystiques qui prospèrent sur le recul des religions et qui répond à ce désir de foi de beaucoup de gens auquel la société scientiste ne répond pas.
J’ai attendu un nouveau message de Joylight dans la journée mais il n’est pas venu. Le lendemain non plus. Comme souvent sur Tinder, je n’ai plus eu aucune nouvelle d’elle. Je ne la retire pas de mes matchs et elle non plus. Et contre toute attente, 8 jours plus tard (une éternité à l’échelle de notre « relation »), je reçois un nouveau message :
Même s’il arrive bien tard, voilà un message qui a le mérite d’être bien intentionné et de s’opposer à cette habitude méprisante bien trop fréquente du zapping. Je ne crois pas lui avoir répondu mais j’aurais dû le faire, au moins pour la remercier pour sa bienveillance, même tardive. C’est sûr qu’au bout de huit jours, cela faisait longtemps que je n’attendais plus rien et que j’étais passé à autre chose. Et j’ai dû trouver cela un peu singulier.
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