Généralement, quand on décide de contacter un(e) inconnu(e) sur un site de rencontres et que l’on possède un cerveau de plus de 100 grammes, on tente de s’accrocher à la seule ressource vraiment personnelle à laquelle on ait accès, à savoir la fameuse annonce écrite. Ca permet d’avoir autre chose à dire que des banalités, ça prouve qu’on s’intéresse un peu à l’autre (par opposition à ceux qui ne se donnent même pas la peine d’aller lire (mieux : comprendre) ce qu’on s’est évertué à raconter) et surtout, ça fait un minimum impliqué. En effet, rien n’est plus désagréable que l’impression de recevoir un mail copié-collé pour la centième fois. Ca fait bâclé, impersonnel, égocentrique (« c’est à toi de t’intéresser à moi »), avant de laisser une âcre saveur de foutage de gueule.
J’avais écrit mon annonce en 2004 et je ne l’ai jamais changée par la suite, au risque qu’elle se retrouve au fil des ans un peu plus en décalage avec ma personnalité. J’avais choisi à l’époque d’écrire une annonce longue (1871 caractères sur les 2000 maximum autorisés par Meetic !) mais aérée en paragraphes afin de laisser la possibilité de la parcourir partiellement. Après des lignes au fond assez fleurs bleues, je terminais par un petit post-scriptum un peu plus hardi :

Je ne ferais probablement plus mon annonce de la même façon aujourd’hui. Je risquerais d’être plus cynique, plus pragmatique, peut-être aussi plus imperméable. J’ai dû perdre une partie de l’enjouement spontané (naïf ?) qui pouvait m’accompagner lors de mes premières pérégrinations meeticiennes, je ne sais pas s’il faut s’en réjouir.
En général, si les meetic-girls qui appréciaient mon annonce me félicitaient entre autres pour sa longueur (est-ce pourtant si incroyable d’avoir quelque chose à dire qui tient en plus de dix lignes ?), la plupart rebondissaient sur mon post-scriptum. En fin de compte, dans une annonce, quelques lignes franches valent tous les beaux discours.
Les onze mails ouverts grace au sacrifice de mes 2.62€ m’a permis de me délecter de quelques mails tous neufs, en attendant de lire ceux d’encore_une_lea :

Voilà l’exemple même d’un mail très court mais personnel : ça ne prend pas beaucoup de temps à écrire mais c’est fait avec attention et finesse, et c’est irremplaçable. En trois lignes seulement, je suis renseigné sur tout ce qui m’intéresse : elle a de l’esprit, du style et de l’humour, et elle est sur la même longueur d’ondes. Si je n’avais pas lu le mail de cette Claire avec cinq mois de retard, je lui aurais sans nul doute répondu.
Le second mail – une fille du même âge – est un peu moins original mais très direct :

La stimulation et la surprise de la rencontre rapide… Mais évidemment, c’était sans compter sur ma frilosité grandissante à l’égard d’hypothétiques pisteuses de blogueurs.
Le troisième mail est nettement plus long :

Vu l’absence totale de référence à ma fiche, le caractère impersonnel du mail, le côté formaté et le coup suspect du c-est-pas-ma-fiche, on peut supposer sans gros risques qu’il s’agit là d’un beau copié-collé que la demoiselle envoie en masse en prenant soin en ligne 22 de mettre le pseudo du garçon contacté. Voilà le type même de mail énervant !
La suite : « 6 mails en plus pour le prix d’un café (2) »
S’il existe un inconvénient majeur au fait d’être un blogueur qui raconte ses péripéties sur les sites de rencontres, c’est bien celui de susciter le désir d’y être démasqué. Un désir en bien (« Oh mon dieu, je veux trouver Anadema sur Meetic, je suis folle de sa sensibilité, de son humour, de touuuut… ») comme en mal (« Je suis sûr que je peux le trouver cet espèce de crétin pour me foutre de sa gueule ! ») mais dans tous les cas bien embarrassant pour qui cherche la discrétion et le naturel de la rencontre virtuelle pour en relater les étapes dans un journal en ligne.
En quelques années de blog, en 190 posts et au milieu de plus de 5000 commentaires, j’ai fini par accumuler sur moi volontairement ou non un nombre incalculable d’indices permettant à quelqu’un d’un tant soit peu motivé de me retrouver sur Meetic. Du coup, les contacts via Meetic de lecteurs ou lectrices se sont lentement (mais sûrement) faits de plus en plus fréquents avec le temps. C’en est arrivé à un tel point que l’année dernière, je soupçonnais toute meetic-girl me contactant d’être potentiellement un(e) lecteur(rice) embusqué(e). On en devient d’emblée moins cordial, plus soupçonneux, on rechigne à lâcher des informations personnelles, on hésite à s’investir, bref, on ne joue plus le jeu normal de la rencontre en plus de devenir limite paranoïaque.
Après être devenu expert en affinités virtuelles, je suis donc devenu expert en débusquage de lectrices : je me suis fait une « liste noire » de plus de 300 profils en relevant systématiquement le nom de toute meetic-girl s’aventurant à visiter une fiche-leurre totalement vide et je suis devenu particulièrement attentif à tout comportement ou profil « suspect ». Ca pourrait paraître excessif sauf que cela m’a évité à de nombreuses reprises de mauvaises surprises, tout le monde ne jouant pas le jeu d’annoncer immédiatement la couleur.
A la fin de l’année 2006, je n’avais plus d’abonnement depuis longtemps, je n’allais plus guère voir ma fiche mais malgré tout, quelques mails non-lus se sont accumulés dans ma boîte, notamment de la part d’une acharnée ayant trouvé la patience de m’envoyer quatre messages :

Encore_une_lea ? Encore une lectrice, plutôt ! Voilà l’exemple même de truc impossible sur Meetic, côté garçon : susciter avec sa fiche un tel intérêt qu’une meetic-girl s’acharne à vous écrire quatre mails sur plus d’un mois d’intervalle et sans que vous ne les lisiez jamais (je rappelle que les abonnés de Meetic savent précisément quand on a lu leurs mails). A moins d’être tombé sur une psychotique dangereuse, sur sa femme qui nous teste ou d’avoir déclaré plus de 100.000 Euros de revenus annuels, c’est une situation hautement improbable.
Malgré tout, même repérée à vingt kilomètres, cette Léa a le mérite d’exciter la curiosité en même temps que l’égo. Etant friand de toutes sortes de délires, je ne peux qu’être amusé par le côté décalé de l’objet de ses mails. Franchement : même moche, vieille ou grosse, je me sens d’emblée le devoir de lui répondre, ne serait-ce que pour saluer son effort et sa démarche pour le moins attendrissante. C’est trop rare pour ne pas être encouragé. Je décide donc d’utiliser Meetic-Minute (ça existait encore à l’époque) pour ouvrir mes mails. J’appelle le numéro surtaxé, je rentre mon code, j’ouvre en quatrième vitesse l’ensemble des mails non lus et je raccroche : 2.62€ et désormais tout mon temps pour découvrir mes nouveaux messages…
La suite : « Encore_une_lectrice (2) – Pièces à conviction 1 »
L’histoire parallèle : « Léa’s Story (1) – Projections et autres complications »
La suite subsidiaire : « 6 mails en plus pour le prix d’un café (1) »